Débarquement à l'improviste {PV Angélique}

Joy regarda Angélique avec un air perplexe. Elle ne la lâcha pas des yeux une seconde tandis qu'elle testait sa théorie sur le chandelier. Elle le bougea vers le haut, à droite, à gauche, mais rien ne se passa. Bizarrement, Joy en fut soulagée. Trouver les passages secrets, c'était le boulot des maraudeurs. Elle, elle n'avait rien à voir avec tout ça. Elle fit un sourire désolé à Angélique quand celle-ci reconnut que sa théorie ne tenait pas. C'est alors qu'il se passa quelque chose d'assez bizarre. La jeune fille tira le chandelier vers le bas. Il y eut une sorte de déclic sonore et une pierre du mur sembla pivoter d'un centimètre.

*Oh non...*

Joy tendit un doigt tremblant vers le mur derrière Angélique. On aurait dit que celle-ci n'osait pas se retourner. Et si jamais un professeur passait par là ? Toutes les deux seraient probablement mises en retenue ! Et pourquoi donc se préoccupait-elle des punitions tout à coup ?

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?"

Joy attendait la réponse de son amie pour bouger. Devaient-elles continuer à chercher ou plutôt passer leur chemin ?

Et mince. Pourquoi fallait-il qu'elle se mette toujours dans des situations impossibles ? Tiens, comme ce jour où le professeur Slughorn l'avait surprise dans les toilettes des garçons. Non mais n'allez pas vous imaginer n'importe quoi ! Elle était juste venue récupérer son hibou qui on ne sait pourquoi était venue se planquer ici. Et il aurait mieux fait de mieux se chacher... Après ça le pauvre volatile avait dû passer trois mois sans ses aigrettes - toutes les jolies femelles hiboux le prenaient pour une chouette ! Il n'avait plus jamais été le même après... Non mais quoi, il aurait dû savoir qu'il ne faut pas trop chercher Joy Watson ! Bref, tout ça pour dire que ce n'était pas sa première aventure. Et pourtant elle ne savait pas quoi faire. En fait si, elle le savait très bien, mais ne passerait-elle pas pour une lâche ? Oh et puis au diable les apparences !

"C'est pas prudent. Non, en fait ce serait carrément irresponsable d'essayer d'aller plus loin dans les recherches."

Joy ne put s'empêcher de rire. Irresponsable ? Tiens, tiens, mais ça lui rappelait vaguement quelqu'un...

"Pour ma part, il ne s'est jamais rien passé. Je suis devant un mur avec un chandelier, en train de discuter avec une fille de ma maison."

Elle se mordit l'intérieur d'une joue. À qui voulait-elle faire gober ça ? Elle y penserait encore pendant des mois ! Et puis c'était la dernière année à Poudlard... Discrètement, elle croisa les doigts derrière son dos en espérant qu'Angélique serait un peu plus téméraire qu'elle.

Joy ne put retenir la large sourire qui éclaira son visage. Angélique montrait beaucoup de courage et cela étonnait beaucoup sa camarade qui se demandait bien pourquoi elle ne l'avait pas remarquée plus tôt.

"Bonne réponse ! fit-elle avec un clin d'oeil. Allez je te suis, de toute façon je préfère être en retenue pendant trois jours plutôt que de passer des semaines de nuits blanches à me demander ce qui aurait bien pu se passer si j'étais restée avec toi."

Joy s'approcha du mur sur lequel était appuyée son amie et colla son oreille sur la pierre froide tandis qu'Angélique poussait la pierre qui avait bougé quelques instants plus tôt. Elle entendit une sorte de cliquetis feutré, puis un chuintement, comme une espèce de ventouse qui se décollerait après des années. Il y eut un tremblement puis plus rien. Le silence était assez oppressant, et Joy n'aurait pas levé le petit doigt même si on lui avait dit qu'il y avait un buffet géant dans sa salle commune. Et ça c'était vraiment rare.
Elle éloigna doucement sa tête de contre le mur et pivota de sorte à se retrouver face à Angélique. La pierre derrière elle avait disparu, laissant place à un trou béant d'où semblaient émaner les ténèbres les plus profondes.

"On ne voit pas à deux mètres !" s'était exclamée Angélique.

Tu m'étonnes ! Même à un mètre c'était difficile ! Joy fronça les sourcils. Non pas que le noir lui faisait peur - c'était plutôt le genre de fille à n'être effrayée que par sa mort, et encore ! - mais il avait toujours cette connotation de fin de toute chose, comme si en mettant un pas là-dedans, on risquait de ne plus en revenir. La jeune fille frissona, puis s'empara de sa baguette d'un air déterminé. Une seconde plus tard, une vive lueur bleutée chassait les pans d'obscurité les plus proches. On pouvait enfin mettre un pied devant l'autre - quant à voir où on allait, c'était une autre affaire !

"Eh bien je crois qu'on n'a plus le choix ! On a pas fait tout ça pour rien quand même ! Euh, ça te dérange pas de passer derrière moi ?"

Joy avait toujours aimé prendre les devants dans ses aventures. Cela lui donnait une sensation terriblement revigorante d'être vraiment en vie.
Précautioneusement, elle posa un pied dans le tunnel béant qui s'ouvrit devant elle. Et si jamais il se refermait dès qu'elles seraient toutes les deux entrées ? Non, cela ne servait à rien de penser à ça maintenant. C'était trop tard.
Un, deux, trois...

Joy avançait prudemment. Ce serait trop bête de tomber dans un trou maintenant, non ? Elle faisait de petits mouvements circulaires avec sa baguette de façon à éclairer le plus grand nombre de choses dans le tunnel. Au-dessus de sa tête, des toiles d'araignées centenaires rendaient l'obscurité encore plus opaque, et l'air semblait se raréfier au fur et à mesure de l'avancée des jeunes filles - à moins que ce ne soit qu'un effet de l'imagination de Joy ?
Elle comptait ses pas au début. Dix, onze, douze... Les mètres s'étiraient sous ses bottines en cuir, et bientôt elle perdit le compte. Cela faisait bien trois cent mètres qu'elles marchaient ainsi en tatonnant. Joy pouvait oublier le cours de botanique, elle ne reviendrait jamais à temps...
Sa tête commençait à bourdonner lorsqu'elle arriva en vue de ce qui semblait être un escalier. Sa partie supérieure semblait s'enfoncer dans le plafond - on ne pouvait en distinguer le bout. Quant à sa partie inférieure, elle descendait bien profondément aussi, mais les marches semblaient en moins bon état, plus lisses et plus gondolées. Joy était persuadée que c'était cette partie de l'escalier qui méritait toute son attention. L'état de ses marches traduisait en elle le fait que c'était par là que le plus de personnes étaient passées. Et que c'était alors vers le bas que se trouvait les choses les plus intéressantes. Toutefois, ne sachant pas si Angélique viendrait aux mêmes conclusions, elle décida de lui demander son avis.

"Il y a un escalier. On peut soit monter, soit descendre. Les marches qui descendent semblent plus abimées que les autres. Pour moi c'est là qu'on devrait passer mais je ne sais pas ce que tu en penses ?"

Joy sourit, ce qui ne se vit sans doute pas à cause de l'obscurité qui régnait. Le raisonnement d'Angélique était tout à fait probable, il fallait le reconnaître, et l'idée d'un piège qui les attendrait en bas n'était pas vraiment réjouissante. Elles devaient pourtant continuer. Joy commença à descendre l'escalier. Elle était parfaitement d'accord avec Ange sur un point : l'étage supérieur n'échapperait pas au regard curieux des deux jeunes filles.

Les marches en pierre brute éclairées par la faible lueur de sa baguette avaient l'avantage de ne pas craquer comme elles l'auraient fait si elles avaient été en bois. Cela peut paraître peu de choses, mais quand on se retrouve presque seul dans le noir à avancer dans des couloirs inconnus, le moindre bruit peut paraître terriblement effrayant.
Joy arriva en bas sans encombre ; la descente n'avait duré que quelques minutes, ce qui devait signifier qu'elle était à peu près désormais au niveau du sol.
Le couloir qu'elle trouva au bout de l'escalier ne ressemblait en rien à celui qu'elle venait de quitter. À peine eut-elle posé le pied sur le palier de l'étage qu'une dizaine de chandelier fixés au mur s'allumèrent - comme par magie. Il devait mesurer environ cinq mètres de largeur, on pouvait y tenir facilement à deux côte à côte. Joy se retourna pour voir où en était Angélique.

"Viens voir, c'est génial ici !"

Elle murmura un faible 'Nox' et sa baguette, inutile à présent, s'éteignit. Le couloir devant les deux jeunes filles n'était pas très long, vingt mètres au maximum, mais on pouvait très clairement deviner se qui s'y trouvait au bout. Une porte en bois massif, fermée par une serrure aux motifs compliqués. Un nouveau défi à relever.

Être dans un conte ? Oui, Angélique avait raison, tout cela semblait si irréel, comme sorti de l'imagination d'un auteur farfelu. La porte devant les deux jeunes filles paraissait si proche et en même temps si éloignée... Le temps s'étirait, égrainant ses minutes telles des heures. À force de fixer la serrure, Joy eut l'impression que certains des motifs ouvragés qui l'ornaient bougeaient, répétant un ballet obscur dont elle aurait été la seule spectatrice. Le spectacle obstruait son champ de vision, elle n'avait plus conscience de rien, ni de la personne à côté d'elle, ni de l'étrangeté des lieux où elle se trouvait. Elle n'avait envie que d'une chose, rester là, les yeux dans le vague, perdue à jamais dans les limbes de ses rêves.
Au bout d'un certain temps elle tomba à genoux, sans plus aucun de ses sens qui ne lui appartenait. Pourtant une infime partie de son cerveau se rendait compte de la situation. Quel que soit le procédé employé, magie, sans doute noire, elle était tombé dans le piège. Ne jamais regarder l'objet de sa convoitise, qui ici était la serrure. Simple, mais efficace. Quiconque ne connaissait pas le secret de la porte restait là, comme paralysé, puis il suffisait à son génial inventeur de venir le recupérer et de lui jeter un bon vieux sort d'Amnésie, puis hop ! aux oubliettes les souvenirs du passage. Il restait dans l'anonymat le plus complet. Il ? Pourquoi pas ils ? Une communauté secrète ?
Cela ne resterait pas un mystère bien longtemps. Par un effort de volonté extrême qui lui causa plus de douleur qu'elle n'en attendait, Joy parvint à se relever. Son esprit l'avait emporté sur la magie. Mais pour combien de temps ?
La première chose que fit la jeune fille en se relevant fut de s'assurer qu'Angélique allait bien.

"C'était un piège, on ne doit surtout pas regarder la porte directement."

Le père de Joy était moldu, et bien qu'elle ne l'ait pas beaucoup connu, elle se rappelait de sa passion pour la mythologie grecque, dont il lui racontait très souvent les légendes. Le souvenir de l'une d'elles revint à la mémoire de la jeune Poufsouffle.

"Oui, ça pourrait marcher... Angélique, est-ce que tu as déjà entendu parler de la légende de Méduse ?"